Reconnaître l'extrême droite

Inégalité, nationalisme, radicalisme: les trois caractéristiques des projets politiques d'extrême droite

Trois éléments récurrents – qui ne vont pas l’un sans l’autre dans les mouvements et partis d’extrême droite – sont régulièrement repris par différents chercheurs: inégalité, nationalisme, radicalisme.

Inégalité

L’élément principal est la croyance en l’inégalité entre les peuples, les cultures, les civilisations, les races et les individus. Pour l’extrême droite, cela va au-delà du constat évident que des inégalités existeront toujours: le fait qu’il y ait des gens supérieurs et inférieurs est une valeur forte et est considéré comme une bonne chose. Si l’on creuse le discours de ces personnes, même si elles essayent de dissimuler ce qu’elles pensent, cela finit par ressortir: ces inégalités sont souvent considérées comme immuables. Dans cette conception du monde, un homme n’est pas et ne doit pas être égal à une femme, une personne handicapée n’est pas égale à une personne bien portante, et certains de ces individus sont supérieurs aux autres. Cette hostilité vis-à-vis de l’égalité débouche sur des phénomènes banalisés de discriminations et d’exclusions.

Nationalisme

Le deuxième élément est l’attachement à la Nation, qui est un rempart contre l’ennemi extérieur. Pour l’extrême droite, cela va au-delà des besoins d’identité. Que ce soit par peur de l’autre (culture, nation, peuple…) ou par sentiment de supériorité, la meilleure des nations, des personnes, ou des cultures, celle qui mérite d’être protégée ou développée, est alors évidemment… la sienne. Ainsi pour la protéger, elle n’hésite pas à restreindre les libertés fondamentales de celles ou ceux qu’elle considère comme ses ennemis.

Radicalisme

Troisième et dernier point, le radicalisme : l’extrême droite considère qu’il faut agir de manière radicale et donc mettre en œuvre tout ce qu’il est possible de mettre en œuvre pour régler tel problème qu’elle identifierait. Le radicalisme est un procédé ou une conduite extrême pour donner corps à un projet spécifique. Il génère des relations clivantes qui rendent difficile à la fois l’existence d’autres opinions, et la tenue de débats et de dialogues sereins et productifs. La certitude de la conviction radicale débouche sur une forme de déshumanisation de l’autre : ce dernier ne représente alors plus qu’un système à abattre, envers qui l’extrême droite manifeste sa haine. La dignité de l’autre, en tant qu’être humain, est de facto niée.

En résumé: l’extrême droite se sent radicalement convaincue de ses idées et de la (sa) supériorité (de son idéologie, de sa culture, de sa Nation, de son sexe, de sa personne…).

L'évaluation du niveau liberticide d'un discours politique

Il y a donc dans les discours et projets politiques d’extrême droite trois principaux indices qui permettent de les identifier comme liberticides (privatifs de libertés fondamentales et allant à l’encontre des droits humains). Ils relèvent du fond (inégalité, Nation) et de la forme (radicalisme).

Sur une « échelle du risque liberticide », où chacun des trois éléments pris isolément constitue déjà une atteinte aux valeurs démocratiques, l’extrême droite a ceci de caractéristique qu’elle les combine tous les trois. Cela place l’extrême droite au sommet du risque liberticide en regard de tout autre projet politique connu à ce jour. La question de savoir si elle est intrinsèquement plus dangereuse qu’un projet politique qui s’appuierait, par exemple, sur une seule de ces caractéristiques est intéressante à poser : quid d’un pouvoir basé sur la seule inégalité entre les groupes d’individus (état ségrégationniste), sur un nationalisme fort (état nationaliste), ou sur une vision radicale (état dictatorial ou totalitaire) ?

Les projets aux valeurs liberticides, en particulier ceux d’extrême droite puisqu’ils les combinent toutes, sont d’ailleurs contraints de lisser de plus en plus leurs discours pour sortir du champ des lois qui condamnent l’incitation à la haine, à la violence, à la discrimination.

La tentation des projets politiques d'extrême droite

L’extrême droite est d’autant plus dangereuse qu’elle est séduisante pour nous toutes et tous, citoyennes et citoyens. Parce qu’elle répond simplement à des problématiques qu’elle identifie, qu’elle résout de manière simpliste et radicale, guidée par les caractéristiques précitées (inégalité, Nation, radicalisme). Ce qui se traduit concrètement par:

  • le rejet de l’immigration, de l’intégration européenne et de la société multiculturelle, allant jusqu’à la xénophobie;
  • la défense et les références à des valeurs traditionnelles – le plus souvent chrétiennes;
  • une priorité programmatique consacrée à la sécurité intérieure, souvent en lien avec une dérive autoritariste;
  • une critique antisystème, anti-establishment et anti-élites.

Trois modes d'existence de l'extrême droite en Europe

Sur le plan politique, on distingue principalement trois modes d’existence au sein des pays de l’Union européenne:

Une extrême droite qui participe à l’exercice du pouvoir exécutif et national, soit en faisant partie intégrante du gouvernement comme en Hongrie ou en Pologne, soit en soutenant un gouvernement minoritaire dont elle ne fait pas partie, comme ce fut plusieurs fois le cas au Danemark. La plupart de ces formations, généralement eurosceptiques et/ou nationalistes-populistes, se sont engagées dans une entreprise de normalisation qui consiste à les dédiaboliser en changeant l’aspect cosmétique tout en préservant le plus souvent leur ADN programmatique.

Une extrême droite considérablement développée qui participe activement à la vie politique, notamment depuis les bancs du Parlement, mais qui n’est pas encore parvenue à exercer formellement le pouvoir exécutif, soit par manque d’opportunité politique soit par rejet et blocage d’un front démocratique, comme c’est le cas en Belgique.

Une extrême droite inexistante ou insignifiante dans le paysage politique, comme c’est le cas en Lituanie, en Irlande ou au Royaume-Uni.

Nationalisme et extrême droite dans les pays des Balkans

Nos recherches dans les pays des Balkans se heurtent à notre volonté de donner une info complète, lisible, fiable mais vulgarisée. Ainsi, dans la plupart des pays des Balkans occidentaux, différentes formations libérales voire conservatrices tiennent pourtant un discours nationaliste, voire populiste, sans toutefois s’articuler autour d’une conduite extrême ou radicale. La frontière est donc parfois ténue entre des formations populistes ou conservatrices de droite et l’extrême droite. Néanmoins, le processus d’accession à l’indépendance des États de l’ex-Yougoslavie nous invite à estimer un certain nationalisme comme une revendication en lien avant tout avec la construction de leur nation, et non comme un caractère lié essentiellement à l’extrême droite.

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